Les aliments du cerveau

L’alimentation de la boîte noire : On admet communément que, pour réussir au plus haut niveau, les qualités musculaires ne suffisent pas. Le mental fait souvent la différence. Or, si on sait aujourd’hui comment nourrir l’athlète pour le doter de qualités athlétiques optimales, la nutrition du cerveau, et notamment la façon de manger pour reculer la fatigue cérébrale, constitue un enjeu encore mal appréhendé.


Partie I : L’ère médiévale

Les aptitudes mentales s’avèrent déterminantes dans tous les sports où la volonté, la concentration et les qualités d’analyse comptent autant que la force des bras ou la vitesse de jambes. Et c’est souvent une faiblesse passagère du " mental " qui signe les plus retentissantes contre-performances.
C’est particulièrement le cas du tennis, où l’accumulation de rencontres conduit progressivement à un état de lassitude psychologique qui, même avec un bras en béton armé et des mollets de marathonien, voue n’importe quel joueur à l’échec.
Ainsi, le joueur ibérique Juan Carlos Ferrero lâchait-il après sa demi-finale perdue à Roland Garros contre Gustavo Kuerten : " Moralement, je n’étais pas présent, je n’aurai pas de regret, il n’y avait rien à faire (…) Dès le premier set (…), je ne sais pas exactement comment l’expliquer, mais ma tête n’a plus suivi. J’ai compris que j’allais perdre le premier set. Je n’ai pas été en mesure de lutter mentalement, je n’ai pas eu cette force (*). " Le même jour Martina Hingis, après sa défaite contre Jennifer Capriati, confiait elle aussi la faiblesse temporaire de sa boîte noire (**) : " On ne s’arrête jamais, on s’entraîne, on est pris dans une sorte de routine à rencontrer toujours les mêmes adversaires. Certaines joueuses se blessent mais pour moi, c’est plus un problème mental ".
Consulter notre dossier " les principales difficultées mentales chez le sportif "

On parle donc de " mental ", mais qu’y a-t-il derrière cette expression ? Ce terme se révèle on ne peut plus vague, finalement, pour décrire le fonctionnement du cerveau et ses aptitudes. Songez que pour évoquer les seules qualités musculaires ou cardio-vasculaires on dispose de près d’une dizaine de concepts différents, décrivant des qualités spécifiques distinctes. L’emploi d’un terme unique pour traduire aussi bien la fatigue, la baisse de vigilance, de concentration, une chute de moral ou des troubles du sommeil, traduit bien deux choses. D’une part, la relative méconnaissance du fonctionnement intime du cerveau. D’autre part le caractère apparemment inéluctable de cette faiblesse " soudaine ". Pourtant, une discipline en plein essor pourrait répondre complètement à ce problème. C’est la " psychonutrition ", science qui décrit les modalités alimentaires permettant d’optimiser les diverses fonctions cérébrales.
Consultez également notre bibliographie sur le sujet 

En dépit du caractère apparemment récent de cette discipline, dont atteste d’ailleurs son nom, cela fait près de deux millénaires qu’on s’interroge, et qu’on propose des recettes plus ou moins efficaces, pour influer sur la torpeur ou, au contraire, l’excès de dynamisme de certains sujets. Dès le second siècle de notre ère, Galien (130-200) avait ainsi déjà posé les bases d’une théorie de la nutrition cérébrale qui reposait à la fois sur la théorie des humeurs et sur la consubstantialité, c’est-à-dire sur les analogies, de forme ou d’odeur, pouvant exister entre certains aliments et les vertus supposées qu’on leur attribuait. Ce parallélisme un peu primaire se retrouvait notamment dans le domaine des aliments aphrodisiaques. Les écrits d’alors susciteraient sans doute le plus vif intérêt des disciples de Freud, qui identifieraient à coup sûr une multitude d’exemples de " symboles phalliques " parmi les végétaux proposés pour activer les ardeurs des quinquagénaires émoussés. Les propositions " diététiques " découlaient de la théorie des " quatre humeurs " élaborée par Hippocrate. Celle-ci partait du principe que quatre fluides différents, le sang, la lymphe, la bile jaune noir, la bile noire pouvaient circuler dans l’organisme et que, en fonction de la prédominance de l’un ou de l’autre, certaines caractéristiques mentales ou anatomiques pouvaient prédominer.
Ainsi identifiait-on le comportement coléreux (chaud et sec), le mélancolique (froid et sec), le sanguin (chaud et humide) et le flegmatique (froid et humide). Y correspondaient en outre caractéristiques anatomiques (endomorphe, ectomorphe,etc…), des couleurs de peau et de cheveu et des traits d’humeur prédominants (bileux, flegmatique, sanguin, etc…). De manière intéressante, cette classification qui pourrait nous paraître aujourd’hui farfelue, a traversé les siècles puisqu’en 1921, dans un ouvrage de psychologie ayant longtemps fait date, Jung proposait sa propre classification largement inspirée de cette conception médiévale. Elle n’est pas non plus sans évoquer les bases de la " morphopsychologie ", parfois encore proposée pour le recrutement des cadres, et inspirée des concepts peu scientifiques à la base de la " physiognomonie " de Lavater (***).

Au Moyen Âge, ces quatre tempéraments correspondaient souvent à des saisons et à des périodes de la vie, et englobaient des éléments astrologiques. De manière plus intéressante, l’équilibre entre ces quatre humeurs aurait déterminé non seulement les traits de personnalité marquants d’un individu, mais aussi influé sur son humeur du moment. Dans ce contexte, l’alimentation jouait un rôle important ; chaque aliment exerçait, par lui-même, une influence sur l’équilibre entre ces différentes humeurs, calmant ou au contraire activant certaines fonctions.
Quelques exemples avec les aliments supposés aphrodisiaques : Pâté en croûte de rosbeef saignant au safran, venaison rôtie avec ail et oignon, et cochon de lait aux pommes sauvages confites, toutes ces viandes étaient supposées accroître le débit séminal et stimuler les envies sexuels. Certains plats à base d’animaux marins passaient également pour stimuler la sensualité ; c’était ainsi le cas du crabe et des clams bouillis, du marsouin rôti, du foie de baleine et du civet d’anguille. Mais le paon rôti, cuit au cumin, farci et servi avec ses plumes, représentait le nec plus ultra en termes d’érotisme.
En ce qui concerne les végétaux, les poireaux, les asperges et les artichauts se voyaient le plus souvent recommandés, alors que les poires (appréciées de Vénus) et la pomme, étaient clairement associées à la sexualité. On qualifiait également la figue de fruit érotique en raison de sa richesse en pépins. Les épices devaient également influer sur l’appétit sexuel des convives, notamment le vin de mandragore, la bière au thym et tous les plats renfermant de la moutarde. Enfin, certains aliments ne se voyaient pas directement proposés en raison de leurs vertus aphrodisiaques, mais plutôt pour leur facilité à dérider le moral, à préparer à une tâche nécessitant réflexion ou à provoquer l’euphorie. A l’inverse, certaines denrées possédaient, aux yeux des médecins de l’époque, des vertus tranquillisantes, ou réductrices de la libido. La laitue et la scarole, par exemple, devaient freiner les ardeurs sexuelles les plus vives.

Denis Riché pour Sport et Vie.

 

Consulter les autres parties du dossier :
- Partie II : L’ère de l’hypoglycemie / L’ère des neurotransmetteurs
- Partie III : Fournir les précurseurs ne suffit plus / Voile et glucides font mauvais ménage / Le cas d’école du tryptophane
- Partie IV : L’approche intégrée / Le cerveau poubelle / Le cerveau anticorps / Une fatigue irréductible

 

(*) : " L’Equipe ", 9 juin 2001.
(**) : " Le Monde ", même date.
(***) : Johann Kasper Lavater est un écrivain, penseur et théologien suisse de langue allemande, qui se fit connaître par son ouvrage : " Physiognomische Fragmente zur Beförderung der Menschenkenntnis und Menschenliebe ", publié en 1775, dans lequel il exposa les bases d’une théorie qui, à son époque, séduisit beaucoup de ses contemporains. Il s’agissait de l’art de découvrir le caractère en déchiffrant les traits du visage. Il fit l’objet de vives critiques de la part de Georg Christoph Littenberg, précurseur de Freud, qui travailla méthodiquement sur l’analyse de l’inconscient.

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