Interview Catherine Schmitt (diététicienne du sport) - 05/2004

Apprendre à mieux manger pour rester en bonne santé, soigner ses maux, performer, c’est possible et c’est le métier de Catherine Schmitt diététicienne spécialiste du sport. Faites connaissance avec une professionnelle de l’alimentation équilibrée et passionnée de nutrition sportive qui partage son temps entre consultation diététique, coaching nutritionnel d'athlètes de haut niveau et le sport qu'elle pratique avec ferveur. Attention Interrogation écrite en fin d’interview ! ! !

Nutri-site : Quel à été votre parcours ?

Catherine Schmitt : Au départ j’étais secrétaire de direction, mais je me suis toujours intéressée au « bien manger » parce que je faisais de la course à pied. J’étais national 1 en semi-marathon et marathon, ce qui n’a rien d’exceptionnel en soit mais demande une grosse hygiène de vie et un poids de forme au top. Puis j’ai dû arrêter la compétition à la suite de blessures à répétition mais je continue à pratiquer de façon régulière footing, ski de fond, ou autre…en fonction de la saison ! Je me suis donc lancée dans les études de diététique, d’abord par intérêt « sportif », mais aussi parce que c’est un métier où ont est utile pour les gens pour quelque chose qui les concerne au quotidien et qui participe largement à leur état de bien-être physique…et moral. J’ai donc fait un BTS puis une spécialisation (D.U.) en nutrition du sport. Je m’éclate vraiment dans mon travail. Transmettre mes connaissances et mes convictions sur les fondements du « bien manger » et contribuer à améliorer l’état de santé des gens, c’est un beau métier ! Aider des athlètes à profiter pleinement de leur potentiel, voir améliorer leurs performances… c’est la cerise sur le gâteau !

Nutri-site : En quoi consiste votre travail précisément?

Catherine Schmitt : Aujourd’hui avec 12 ans de pratique derrière moi j’ai un peu plus de recul sur cette profession. Je dois dire qu’être diététicien c’est être aussi un peu psychologue en même temps. Il y a tellement de liens entre notre façon de manger et notre affectif ! Je regrette d’ailleurs que dans le cursus que j’ai suivi cet aspect là ne soit pas du tout abordé. Heureusement il y a des séminaires très intéressants qui permettent de s’enrichir dans ce domaine et puis j’ai toujours eu de bons contacts avec les gens, une bonne écoute. C’est aussi cette relation particulière qui me plait dans ce travail : une consultation diététique c’est parfois 70% basé sur l’aspect psychologique de la personne que l’on a en face de soi et 30% sur l’information au sens strict du terme. L’affectif est très présent dans la nourriture c’est un lien qui se créé dés les premiers temps de la vie et qui se renforce avec les vicissitudes de la vie et de l’éducation parentale. Il faut souvent apprendre aux gens à faire le tri entre leurs besoins nutritionnels et leurs pulsions alimentaires.

Nutri-site : Avez vous une méthode ?

Catherine Schmitt : Dire que j’ai une méthode est un peu présomptueux mais je tiens compte de 3 pôles pour me faire une idée sur le travail à réaliser avec la personne qui vient me voir : - Ses besoins nutritionnels - L’aspect social de l’alimentation dans sa vie (par exemple certains ont pas mal de repas au resto pour le boulot). - L’aspect psychologique : gérer les crises, ou la charge affectif qui a été mise sur le fait de manger. Je suis persuadée que si l’on ne tient pas compte des 2 derniers aspects, il n’est pas possible d’établir un bon travail à long terme. Pour les même raisons je pars toujours de ce que la personne fait, je lui explique ce qui est bien, et ce qu’il faut améliorer pourquoi et comment. Même s’il y a beaucoup de choses à changer, c’est beaucoup plus réaliste et moins décourageant pour la personne !

Nutri-site : Existe il une nuance entre nutrition et diététique?

Catherine Schmitt : A mon avis il n’y a pas plus de différence qu’entre les termes « se nourrir » et « s’alimenter », en tous cas dans le langage courant ! Quand à la guerre des termes d’un point de vue professionnel, je ne m’y intéresse pas beaucoup… La seule chose qui me gêne, et qui parfois fait vraiment du tort à la profession, ce sont les personnes qui se donnent le titre de « nutritionniste » sans en avoir une réelle formation. C’est incroyable ce qu’il y a comme personnes persuadées qu’elles « savent » dans ce domaine ! Or il faut vraiment de grosses notions de biochimie de physio et de physiopathologie pour pouvoir prendre des gens en charge de façon efficace… Moi je ne me permets pas de masser mes patients ou de leurs faire des plans d’entraînement…

Nutri-site : La diététique que l’on peut lire dans les magazines diffère t’elle de ce que l’on apprend en consultation ?

Catherine Schmitt : En diététique j’explique et j’insiste beaucoup sur les bases qui régissent l’alimentation, ensuite il y a une nécessaire individualisation qui est permanente et évolutive au fur et à mesure que je progresse dans le travail avec mon patient, c’est du sur mesure contrairement au magazine qui reste sur des règles générales par la force des choses . Et puis pendant longtemps les articles étaient trop axés sur tel ou tel complémentation. Je suis cependant satisfaite du changement qui s’observe dans les écrits à ce sujet. En effet on revient aux sources avec des notions simples mais réalistes sur la façon d’aborder l’alimentation. Personnellement cela fait longtemps que je me bats pour faire respecter les bases alimentaire AVANT de parler de complémentation, même pour un sportif de haut-niveau. Pendant un moment je me sentais pas mal décalée par rapport à ce qui se disait mais je constate qu’on revient à cette notion d’équilibre, et çà me rassure. Cependant il reste du boulot car le monde du sport est bercé de nombreuses idées reçues sur le plan alimentaire ; des idées fausses côtoient des tromperies ou des maladresses qu’il est difficile de faire évoluer, l’inertie est parfois pesante.

Nutri-site : Que retenez vous de votre expérience de 4 ans auprès des skieurs de fond de haut niveau ?

Catherine Schmitt : C’était très enrichissant sur le plan professionnel mais éprouvant aussi sur le plan nerveux. Il faut du temps et une certaine constance pour « détruire » les clichés et idées reçus. Il faut aussi se montrer convaincante et « tenir le coup », même discours face à des athlètes toujours en quête du petit coup de pouce miracle ou de la recette magique qui peut les faire avancer plus vite, naturellement je m’entends ! Ils sont déçus parfois quand on leur annonce qu’on ne va pas leur donner un régime miracle mais améliorer le leur pour qu’il gagne en forme, en récupération… et donc en performance…Mais cela avait fini par bien se mettre en place et surtout la collaboration avec la médecin du moment était super, ce qui nous avait permis d’aller plus loin et donc de mettre en place un plan de complémentation phyto et oligo en parallèle du plan d’entraînement et des précisions de stage que nous donnaient les entraîneurs, une fois l’alimentation bien établie…bien sûr. On avait pu ainsi par exemple prévenir les chutes de réserve en fer que l’on constatait immanquablement à l’automne chez beaucoup d’athlètes.

Nutri-site : Que type de message faites vous passer ?

Catherine Schmitt : La base c’est l’équilibre alimentaire et le respect de règles simples, valables pour tous. Faire passer le message à des athlètes soucieux de la performance, c’est un travail de fond. Mais à mon avis, et si l’on veut présenter la diététique comme une alternative au dopage, c’est déjà dans la démarche qu’il faut être cohérent. Beaucoup croient faire bien, mais il y a souvent des déséquilibres très simples qui, quand on les corrige leur permettent de ressentir une meilleure capacité à récupérer par exemple, ou une meilleure capacité d’endurance. Bien avant de complémenter en ci ou ça.

Nutri-site : Prendre des compléments alimentaires de façon hasardeuse peut t’on considérer cela comme une attitude dopante ?

Catherine Schmitt : Pour ma part je trouve cela très litigieux !… Mais avant cela c’est surtout prendre un risque pour sa performance, voir pour sa santé. Par exemple, les vitamines, minéraux et autres ont des rôles bien spécifiques dans l’organisme et à des doses bien précises : amener trop de l’un peut perturber l’assimilation d’un autre, et c’est comme ça qu’on voit des athlètes perclus de crampes parce qu’ils ont fait une super cure de magnésium... C’est certain qu’un athlète de haut-niveau n’a pas les mêmes besoins que « monsieur tout le monde », mais si son alimentation est variée, de qualité et quantitativement suffisante, et qu’il s’efforce d’utiliser de simples ajouts comme la levure de bière et le germe de blé, on arrive déjà à une ration suffisante dans beaucoup de situations. Les compléments viendront soit pour une carence spécifique vu sur un bilan biologique, puis en prévention de ces carences, soit pour des situations dont on connaît la particularité nutritionnelle (stage en altitude , prépa de compétition, décrassage, période de stress, etc…)

Nutri-site : Est ce incontournable d’avoir eu un passé de sportif pour exercer au sein d’une fédération sportive ?

Catherine Schmitt : C’est en tout cas plus facile pour tomber les masques. Le discours est mieux perçu voir plus crédible quand le diététicien connaît, ou a vécu les exigences auxquels ils sont confrontés, c’est indéniable.

Nutri-site : C’est facile de parler « bouffe » avec les sportifs ?

Catherine Schmitt : C’est difficile au début, surtout quand on travaille pour une structure comme une fédé ou un club car tous les sportifs qu’on doit prendre en charge ne sont pas partants. Certains n’en ont rien à faire ou ils ne réalisent pas l’importance que cela peut avoir sur leur sport ou bien ils sont persuadés que ce qu’ils font c’est bien et qu’il n’y a pas de raisons de changer ce qui marche, à priori. Mais finalement c’est aussi ça le challenge de mon métier. Et puis les mentalités évoluent à ce niveau aussi. Ils sont demandeurs d’informations, le sport se professionnalise de plus en plus, ils deviennent très pro dans leur démarches et l’alimentation n’échappe pas à la règle. D ’ailleurs on a de plus en plus de sportifs qui se prennent en main de façon individuelle et viennent consulter au cabinet.

Nutri-site : Que pensez vous des compléments et autres produits énergétiques qui envahissent les salles de sports ?

Catherine Schmitt : Encore une fois je pense que la majorité de ces gens auraient plus à gagner à vérifier déjà la qualité de ce qu’ils mangent quotidiennement. Bien sur il n’est pas toujours facile de réunir tous les micronutriments dans la journée notamment pour certains minéraux et oligos. Mais, sur la semaine, c’est suffisant et il n’y a pas d’urgence à moins de suivre un régime stricte ou d’être sévèrement carencé.

Nutri-site : Les résultats d’une consultation diététique se font il concrètement ressentir?

Catherine Schmitt : Oui les athlètes sont parfois sidérés de constater qu’un petit changement dans leur quotidien nutritionnel leur apporte réellement plus de bien être : Mieux dormir par exemple, parce qu’on a réparti sa ration différemment sur la journée, c’est déjà drôlement important pour être en forme, non ?

Nutri-site : Les sportifs adoptent les boissons énergétiques et beaucoup de travaux scientifiques s’accordent pour dire qu’elles sont devenus importantes voire incontournables à la pratique du sport, qu'en pensez vous ?

Catherine Schmitt : Elles sont un plus si déjà elles peuvent permettre aux sportifs de boire d’avantage à l’effort ! Ce qui n’est pas encore réellement acquis pour une grande majorité de pratiquant a tous les niveaux. Ce n’est quand même pas difficile de prendre avec soi un porte gourde pour un simple footing. Les boissons énergétiques ne sont pas à mon avis indispensables en dessous de deux heures d’entraînement. Mais s’hydrater c’est à chaque séance qui dépasse 1/2h, et c’est une ou deux gorgées tous les ¼ d’heure ! Eau, ou éventuellement eau + fructose sont largement suffisants. C’est plus au moment de la récupération qu’il faut amener ce qu’il faut en nutriments et micronutriments

Nutri-site : Les sportifs ou sportives ont ils les mêmes attentes face à l’alimentation ?

Catherine Schmitt : Les sportives sont logiquement plus sensibles à cet aspect là en raison de l’aspect poids de forme. Et puis à un certain âge, disons pour les juniors filles, les réglages hormonaux ne sont pas complètement faits, ce qui influe sensiblement sur les variations pondérales. Face à cela la première chose à faire est de dédramatiser ; expliquer à l’athlète ce qui se passe et donner les bonnes bases. A cet âge là on est très influençable, il faut se méfier et être très attentif.

Nutri-site : Quels sont les autres « crises » qu’il faille gérer à cette âge là ?

 Catherine Schmitt : Les problèmes d’anorexie qui sont très fréquents dans le milieu sportif et pas seulement chez le filles. On pense toujours à la gym ou à la danse, mais d’autres sports comme le saut à ski connaissent régulièrement des problèmes de cet ordre. Cela peut provoquer rapidement d’importants déficits nutritionnels qui entrave les perf sportives et, ce qui est beaucoup plus grave, met leur santé en danger, voir leur vie à un certain stade, d’autant que les moyens utilisés parfois pour ne pas manger sont eux aussi « toxiques ». Chez les filles, l’absence des menstruations est un signe important. En dessous d’un certain pourcentage de masse grasse, l’organisme bloque le cycle car il considère que la jeune femme n’a pas assez de réserves pour pouvoir mener une grossesse à bien. Si cela dure trop, des risques de stérilités existent. Il faut faire prendre conscience de tous ces risques aux uns et aux autres. Il y a une vie après le sport…!

Nutri-site : Etre diététicienne c’est donner de son temps et de l’énergie, c’est inculquer aussi. Cette expérience fédérale vous a telle permis de vous exprimer  comme vous le souhaitiez?

Catherine Schmitt : C’était évidemment une belle expérience, avec un peu de frustration quand même. J’aime mon métier, mais ce qui me manque parfois c’est le retour. Peu d’athlètes te tiennent au courant de leur évolution par rapport à ce qui a été mis en place…surtout quand ça va bien... Mais ce n’est pas spécifique aux fondeurs ! Ce qui me gêne souvent le plus, c’est de voir que le travail fournit avec les athlètes paie pendant un certain temps de collaboration, mais qu’il suffit que quelqu’un arrive de nulle part, même sans formation mais avec un discours percutant, vantant un soi disant produit ou un type de régime miracle et toutes les bonnes intentions et progrès établis patiemment s’effondrent comme un château de carte. En face, tu as beau avoir toutes les bases physiologiques pour expliquer de façon cohérente les choses, ils seront toujours sensibles aux beaux parleurs. Alors là, oui, tu as un peu l’impression de perdre ton temps.

Nutri-site : Que pensez vous des consultations diététiques par Internet?

Catherine Schmitt : C’est jouable à mon avis, surtout en complément d’un suivi traditionnel. Cela permet d’espacer les rencontres qui parfois posent des problèmes d’organisation. Pour ma part je donne toujours mon adresse mail à mes patients. Ils peuvent ainsi me contacter facilement, même pour un simple renseignement sur un aliment… ou un simple encouragement durant un régime amaigrissant… Les athlètes qui sont en déplacement à l’étranger et se trouvent confrontés à traditions culinaires différentes peuvent ainsi très vite, et à moindre frais, obtenir des renseignements. Bref c’est en tous cas un plus.

Nutri-site : Quelle est votre actualité?

Catherine Schmitt : Pendant quelques temps j’ai travaillé dans le milieu hospitalier. En fait j’étais un peu saturée de ce travail dans le milieu sportif et puis j’ai eu envie de me sentir utile à des gens qui en avaient réellement besoin pour leur santé, voir leur vie. Mais depuis peu j’ai pu allier les deux en intégrant un cabinet médical en Suisse. Je suit à la fois des sportifs de haut niveau, des enfants diabétiques, des personnes qui doivent perdre du poids, ou des seniors avec des problèmes de dénutrition, etc… C’est passionnant car cela m’oblige à être performante dans tous les domaines de mes compétences professionnelles. Je reste quand même axée plus sport : je continue aussi à donner des conférences, des cours dans certaines formations comme le BEE2 de ski de fond, à écrire quelques articles et je collabore toujours avec le Centre de nutrition du sport « T en Forme » de Chambéry… Ce n’est pas un travail où on peut s’endormir si on veut rester dans le coup !

Nutri-site : Un mot pour  conclure ?

Catherine Schmitt : La nutrition est plus que jamais d’actualité car on se rend de plus en plus compte de son importance en matière de bien-être tant physique que moral et de son rôle préventif… De nombreuses études  montrent que de bons choix alimentaires permettent de réduire considérablement l’utilisation de bien des médicaments. Qu’on se le dise !

 
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