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Interview Juliette Gernez, Caroline Osmont (Danse classique/Ballet) -10/2013

Juliette Gernez (Coryphée*) et Caroline Osmont (quadrille*) sont danseuses dans l'une des meilleures école de danse du monde : l'Opéra de Paris. Les danseurs de l’Opéra de Paris, tout comme l’ensemble des danseurs professionnels, sont considérés comme des artistes mais aussi des athlètes. La pratique de la danse classique est exigeante. Quant à la carrière d’un danseur ou d’une danseuse professionnelle est relativement courte et ponctuée de blessures qui les obligent à quitter la scène plusieurs semaines voire plusieurs mois. Deux danseuses hors pair, deux générations différentes mais un seul quotidien strict et exigeant en quête de perfection. Interview sur Nutri-site

Nutrisite : Racontez-nous votre parcours ? Quelle formation avez-vous suivi ?
Juliette Gernez : Mon père est comédien. Dès mon plus jeune âge, il m'a donné le goût des planches, de la scène, du jeu... Ma sœur ainée faisait déjà de la danse et mon premier contact avec cet art fut dès la sortie de la maternité. Ma mère devant récupérer ma sœur à son cours de danse, je fis très tôt la connaissance de celle qui deviendra mon professeur, Mademoiselle Liane Daydé. Elle fut première danseuse étoile de l'Opéra de Paris. C'est à sept ans que je suis enfin autorisée à prendre mon premier cours. Après deux ans au conservatoire de Paris, je suis intégrée à l'âge de douze ans à l'Ecole de Danse de l'Opéra de Paris.

Nutrisite : Comment se déroule d’adolescence lorsque l’on est à l’Ecole de Danse de l’Opéra de Paris ?
Juliette Gernez : Mon adolescence fut tintée de rigueur, de discipline et de peu de temps pour m'amuser et sortir comme le faisaient les jeunes de mon âge. C'est grâce au soutien de mes parents, de Liane Daydé et son amour de la danse que j'ai pu surmonter les moments difficiles. A l'âge de dix sept ans je passe le concours d'entrée dans le corps de ballet de l'Opéra de Paris et intègre la compagnie.

Nutrisite : De quoi est fait le quotidien d’une danseuse du Ballet de l’Opéra de Paris ?
Juliette Gernez : Tous les matins nous avons un cours d'une heure et demie et l'après midi nous répétons le prochain ballet durant cinq heures. Et le soir, selon la programmation, nous nous produisons soit à l'Opéra Garnier, soit à l'Opéra Bastille. Il nous arrive de partir en tournée une à deux fois par an à travers le monde. Pour la préparation de chaque ballet, nous sommes dirigés par le maitre de ballet, plusieurs répétiteurs et le chorégraphe lorsqu'il s'agit de créations.

Nutrisite : Quel est votre parcours au sein du ballet de l’Opéra de Paris ?
Juliette Gernez : J'ai très vite été repérée par le chorégraphe Jean-Claude Gallotta qui m'a confié le premier rôle de son ballet "Nosferatu" avec José Martinez. J'ai également été choisie pour le pas de deux de "Afternoon of a faun" de Jérôme Robbins.
Après mon premier concours en tant que Quadrille, je suis montée au rang de Coryphée en 2001. Puis j'ai été repérée par la chorégraphe Carolyn Carlson pour son ballet "Signes". En 2006, après audition, Benjamin Millepied me choisit pour sa création à l'Opéra de Paris "Amovéo". J'ai également dansé dans "Pass Part" de William Forsythe, et j’ai été choisie pour le rôle d' "Olympia" dans la "Dame aux Camélias" de John Neumeier. Enfin, j’ai eu la chance de danser de grands ballets classiques du répertoire ainsi que de nombreuses créations contemporaines.

Nutrisite : Avez-vous déjà été blessée ? Comment se déroule la convalescence et le retour sur scène ?
Juliette Gernez : Le rythme soutenu et l'exigence artistique nous mènent à repousser sans cesse nos limites et le corps à l'extrême. Dans mon cas, j'ai été gravement blessée à deux reprises avec une rupture des ligaments croisés du genou. Il m'a fallu subir un an de rééducation après chaque opération. Et c'est surtout avec beaucoup de volonté que l'on arrive à revenir sur scène et à passer au dessus de la peur de se refaire mal.

Nutrisite : Quel est le secret nutritionnel d’une danseuse pour allier force physique et minceur ?
Juliette Gernez : Il est important dans le cadre alimentaire de manger beaucoup de sucres lents comme tout sportif et d'avoir bien sûr une bonne hygiène de vie. Nous n'avons pas de nutritionniste à l'Opéra de Paris et chacun gère cela à sa façon. Pour ma part, je n'ai jamais eu besoin de m'astreindre à un régime, je ne pratique pas d'autres sports et danser minimum six heures par jour suffit à garder la ligne !

Nutrisite : Quels sont vos projets d’avenir ?
Juliette Gernez : La retraite à l'opéra est à 42 ans. J'aimerais me tourner vers la comédie, autre passion que j'ai mise au service de la danse et qui grandit de plus en plus en moi.

Le coryphée est le chef de chœur dans la tragédie antique. Il se situe au milieu de la scène et est chargé de guider les choreutes (ou choristes).

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                                            Interview Caroline Osmont (jeune quadrille*)

Nutrisite : Pouvez-vous nous raconter votre parcours. D’où venez-vous ? Comment avez-vous intégré le monde de la danse ?
Caroline Osmont : Je suis née à Saint-Lô dans la Manche, en 1992. J’ai vécu dans la campagne normande jusqu’à mon arrivée à Nanterre, à l’Ecole de Danse de l’Opéra de Paris, le jour de mes 12 ans. J’ai commencé l’approche de la danse vers 8 ans et c’était du moderne-jazz. Mais ça me plaisait très bien comme ça, je prenais un cours par semaine à la MJC de Caen. Un jour, ma prof de jazz m’a dit qu’elle partait. C’était la fin du monde ! Elle m’a alors parlé de danse classique et m’a présenté une autre prof.

Nutrisite : Quelle formation avez-vous suivi ?
Caroline Osmont : J’ai donc commencé la danse classique à 9 ans avec Nicole Legoux. Je tiens à le préciser car sans les bonnes bases qu’elle m’a apprises je n’aurais sans doute pas été prise à l’Opéra de Paris. Bref, du CM1 à la 6ème, j’ai suivi une scolarité normale et la danse s’ajoutait au programme. Les journées étaient longues, surtout qu’après il y avait le trajet pour rentrer : 40 minutes tous les soirs en voiture. Mes parents ont joué un rôle très important pour moi à cette période.
Histoire de voir comment je gérais la scène, ma prof me proposa un petit concours régional. Les lauréats recevaient un stage de danse et de chant d’une semaine à Paris. J’ai pu y aller et faire connaissance avec Dominique Khalfouni, danseuse étoile. C’est elle qui m’a parlé de l’Ecole de Danse de l’Opéra. Une semaine après, je me suis inscrite pour passer les examens d’entrée. Sur 200, nous avons été 9 sélectionnés comme stagiaire d’un an. J’y suis restée 7 ans...

Nutrisite : Comment se passe cette formation et l'adolescence d'une jeune danseuse ?
Caroline Osmont : J’ai fait ma première rentrée le jour de mes 12 ans et je m’en souviens... Passer du statut de fille unique, élevée dans sa petite campagne, à l’Ecole de Danse de l’Opéra a été difficile. Je devais être interne, mais j’ai tenu une semaine ! Je crois que j’ai battu tous les records. Parallèlement, je ne me voyais pas du tout partir et démissionner. Disons que ça a été un moyen de tester ma détermination. Du coup, ma mère a demandé sa mutation pour venir avec moi sur Paris et nous avons vécu chez mon oncle pendant 18 mois !
Mais je dirais qu’on vit tous cette période très différemment. Pour ma part, il y a eu des hauts et des bas, cela dépendait de mes profs, et de moi. Mais globalement ça s’est bien passé. Certains pensent que nous n’avons pas d’enfance ou d’adolescence, moi je dirais qu’on en a eu une mais différente... La chose qui m’a manquée est de ne pas pouvoir avoir de contact à l’extérieur. Cette incroyable expérience a l’avantage et l’inconvénient de nous souder entre nous.

Nutrisite : Vous dansez aujourd'hui dans l'une des compagnies les plus prisées au monde. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre quotidien ?
Caroline Osmont : Nous avons le choix entre un cours à 10h00 ou un à 11h30, les deux durent 1h30. Ensuite, nous enchainons sur un ou deux "services", c’est-à-dire 2h30 ou 5h00 de répétition. Si nous sommes en période "spectacles", nous pouvons n’avoir qu’un service et finir à 16h00. Cela nous permet de commencer à se préparer vers 17h30 pour le spectacle de 19h30 qui se finit entre 21h30 et 23h30. Nous avons un jour de repos fixe dans la semaine, généralement le dimanche mais ça peut varier.

Nutrisite : Combien d'heures d'entrainement avez-vous chaque semaine ? Comment se déroulent ces entrainements ? Changent-ils selon les saisons ?
Caroline Osmont : En gros ça fait du 20 à 35 heures chaque semaine pour les répétitions. A cela s’ajoutent 10 heures de cours et les spectacles, parfois tous les soirs de la semaine. Donc ça varie énormément, la période de Noël est très chargée.

Nutrisite : Comment s'organise la préparation d'un ballet ?
Caroline Osmont : La distribution est affichée à peu près un mois avant le début des répétitions. Nous savons quels rôles nous sont attribués et sur lesquels nous sommes remplaçant (très fréquent quand on est jeune et qu’on vient d’arriver). Ce sont généralement le maitre de ballet et ses assistants qui nous apprennent la chorégraphie. Après 3 semaines de répétitions en studio, les solistes viennent s’intégrer aux répétitions et nous entamons la semaine de répétitions sur scène avec les décors, les costumes, les maquillages, etc. Vient ensuite la générale et les représentations.

Nutrisite : Vous êtes-vous déjà blessée ? Si oui, comment les blessures sont-elles prises en charge et comment s'organise le retour sur scène ?
Caroline Osmont : Je touche du bois ! Je n’ai jamais eu de grosses blessures. Pour les petits maux quotidiens, il faut apprendre à gérer, ça fait parti du job.

Nutrisite : Les danseuses doivent êtes minces et très athlétiques. Suivez-vous un régime spécifique ? Êtes-vous conseillée par un nutritionniste ?
Caroline Osmont : C’est pareil que pour les sportifs de haut niveau ! Il faut du carburant pour encaisser le rythme des journées marathon mais tout est une question de dosages. Il nous faut de tout mais dans des quantités raisonnables. Ce qui est drôle, c’est que la plupart des danseuses aiment cuisiner, et moi aussi ! En même temps avec un père chef, je ne pouvais pas y couper, j’étais à bonne école.

Nutrisite : Les exigences sont-elles différentes pour un danseur et une danseuse ?
Caroline Osmont : C’est une bonne question ! Je pense que pour les danseurs, c’est plus dur au départ, notamment à l’adolescence. Ils changent très vite mais pas en même temps donc il arrive parfois, à l’Ecole de Danse, qu’il y ait un grand écart de taille et même de niveau au sein d’une division. En revanche, une fois dans le ballet, je pense que c’est plus facile de faire sa place que pour les filles.

Nutrisite : Pratiquez-vous d'autres sports ?
Caroline Osmont : C’est une nécessité pour moi de faire autres choses dès que je le peux. Le rythme est tellement intense que parfois c’est métro/boulot/dodo. Quand je peux aller à un cours de hip-hop, de cuisine ou même au cinéma, j’y cours ! Mon nouveau truc, c’est la plongée. Je viens de passer mon baptême et je vais peut-être essayer de faire une formation... Et bien sur sortir avec mes amis de l’Opéra et en profiter pour faire connaissance avec des gens de "l’extérieur".

Nutrisite : Quels sont vos projets à courts, moyens et longs termes ?
Caroline Osmont : Actuellement, j’attends les répétitions de La Belle au bois dormant et j’en profite pour travailler le concours de promotion interne qui a lieu chaque année pour monter de grade. Cette année, c’est en novembre et il n y a que 2 postes pour environ 20 filles... Sinon j’adore voyager. Dès que l’on a 2 jours, j’essaie de partir. Ce weekend, c’est Bruxelles ! J’aimerais aussi aller à New York cette année.
Quadrille = Héritier de l'ancienne contredanse française du XVIIIe siècle, le quadrille est une danse de bal et de salon en vogue dès le début du XIXe siècle et jusqu'à la Première Guerre mondiale.

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