Interview Arnaud Petit (Escalade) 11/2010

Arnaud PETIT est un grimpeur d'exception spécialisé dans les plus hautes parois du monde, les fameux big wall. Peu nombreuses sur la planète, ce sont des parois hautes de plus de 600 mètres. Situées dans des univers variés, où le climat peut être rude, ces faces requièrent donc de la part des grimpeurs - alpinistes qui s’y attaquent, un important panel de compétences. Avec sa compagne Stéphanie BODET, ils se sont lancés dans le projet Free Wall, gravir en escalade libre les plus belles et les plus hautes voies du monde.


Nutri-site : Comment devient-on grimpeur et spécialiste de grandes voies, après des années de pratique de compétition en salle ou en bloc (Arnaud a remporté la Coupe du Monde d'escalade en 1996) ?
Arnaud PETIT : Même à l'époque où j'étais à fond dans la compétition en salle, je grimpais en extérieur parce qu'il y a une multitude de voies difficiles qui nous est offerte par le rocher. Grimper en falaise permet d'optimiser ce travail en salle. Et puis comme j'ai débuté par la montagne et la grimpe en milieu naturel, je me suis naturellement dirigé vers des voies de plus en plus longues. Certaines ascensions nécessitant qu'on bivouaque en pleine paroi. Ce sont les longues voies dures qui m'apportent aujourd'hui le plus de plaisir et de frissons !

Nutri-site : Comment est né ce projet FREE WALL*, projet que tu as monté et vécu avec ta compagne Stéphanie BODET, elle-même grimpeuse de haut niveau ?

Arnaud PETIT : Le désir de voyager et d’aller chercher les voies de nos rêves par-delà les frontières. En France les voies ne sont pas si hautes et dures que cela, tandis qu’au Maroc, en Patagonie, au Pakistan ou au Vénézuela… il y a des "big walls" mythiques qui nous attirent. C’est après avoir gravi la Fleur de Lotus au Canada, la Tour de Trango au Pakistan et le Salto Angel au Vénézuela que nous avons peu à peu pris conscience que nous étions parvenus à un tournant dans notre pratique de la montagne et de l’escalade. Notre dernière ascension au Salto Angel notamment et ses 12 nuits dans la face nous a propulsés un peu plus dans le monde de la vie en paroi qui nous a véritablement enchantés. Aujourd’hui le projet en tant que tel arrive à son terme même si nous avons encore beaucoup de rêves. Une vie ne suffit pas !

Nutri-site : C’est un projet qui a respecté le programme originel ?

Arnaud PETIT : Oui quasiment, mis à part Royal Flush en Patagonie. Nous y sommes allés une fois en touristes pour voir et cela nous a mis un coup au moral, le vent, le mauvais temps, des approches exténuantes, on s'est dit que c'était un trop gros morceau pour nous. D'ailleurs cette voie de 1450 m attend toujours son ascension en libre.




Nutri-site : Quel projet va-t-il succéder à ce FREE WALL ?

Arnaud PETIT :  C’est peut-être un peu gonflé pour moi de dire cela maintenant après avoir voyagé dans les plus beaux endroits imaginables pour un grimpeur mais Il faut dire aussi que tous ces déplacements en avion, ces longues récupérations entre chaque expédition  nous ont puisé un jus incroyable et cela ne correspond plus trop à notre démarche actuelle, à notre conscience écologique. Cette quête d’absolu qui était la nôtre pendant toutes ces années s’essouffle ;  nous allons donc nous lancer dans des projets plus proches de chez nous, donc plus en lien avec nos convictions et plus techniques au niveau grimpe également.

Nutri-site : Une aventure à domicile en quelque sorte, un retour aux sources ?

Arnaud PETIT : Oui j’ai toujours besoin d’avancer, je suis quelqu’un qui fonctionne à la passion, je ne peux pas rester sans projets. Nous allons, avec Stéphanie, nous recentrer sur des aventures plus accessibles. Une grande voie au pic de Bure par exemple qui nous tient à coeur. Une aventure près de la maison où nous allons certainement faire d’aussi belles rencontres qu’au Maroc mais aussi découvrir des zones de rochers incroyables, la quête de cette petite inconnue dans la découverte de nouvelles voies près de chez soi. Bien sûr nous restons dans cette exigence technique et émotionnelle qui nous fera aller vers des objectifs de belle ampleur, avec de beaux défis en perspective.

Nutri-site : Est-ce un avantage de grimper en couple ?
Arnaud PETIT : Le plus important c’est que l’on vit des choses incroyables à deux et que nous avançons dans la même logique, le même raisonnement, la même sensibilité, c’est ce qui fait notre force. Et pour couronner le tout il faut avouer qu'être un couple nous a sûrement facilité les choses auprès de la presse grand public, c’est indéniable.

Nutri-site : Cela ne rajoute-t-il pas une part de stress ?
Arnaud PETIT : Quand c’est un peu tendu dans la voie,  je veux dire quand c’est plus dangereux, on a la liberté de se dire que l’on est pas obligés d’y aller ! C’est pas comme quand tu es avec des copains et que l’émulation est plus forte malgré les dangers, si un pote chute et se fait mal je ne dis pas que cela n’est pas grave mais si c’est Stéphanie cela n'est pas la même chose. J'ai en effet plus de craintes.

Nutri-site : Et l’intimité dans tout ça ? Une grande voie à grimper pendant 12 jours avec des potes et sa copine, cela ne doit pas être très facile ?
Arnaud PETIT : Non c’est vrai mais comme je le disais on est en harmonie tous les 2 et tendus vers le même objectif alors l’intimité est mise de côté le temps de l’ascension. C’est pas évident d’avoir de l’intimité en groupe qui plus est si ce groupe est au milieu d’une grande voie, ne serait-ce que pour les besoins quotidiens ! On redevient des hommes et femmes « bruts de décoffrage » mais on essaie de prendre cela avec humour et bonne humeur, on se bouche le nez et les oreilles (rires), on n'a pas le choix !

Nutri-site : Dans des moments à risque notamment as-tu recours à des procédés psychologiques, des portes de sorties mentales ?
Arnaud PETIT : Je n’ai jamais fait de préparation mentale tandis que Stéphanie a fait de la sophrologie et cela lui a bien réussi lorsqu'elle a remporté la Coupe du Monde de Bloc en 1999. Cela l’a aidée à se mettre dans sa bulle, dans son monde, sans craindre les autres adversaires. Moi la confrontation avec les autres me stimulait. La compétition a été une très bonne école pour mieux se connaître et aujourd’hui proche des 40 ans j’ai l’expérience qui m’aide à me détendre quand il faut que je me concentre dans des passages exposés. Ceci- dit il y a une « voie » que nous allons explorer pour nous aider dans nos projets, c’est celle du yoga.
Ce sont encore des rencontres qui nous ont influencés à pratiquer cette technique de relaxation et d’assouplissement, c’est une rigueur vers laquelle je m’oriente. La salutation au soleil faite le matin est semble-t-il plus efficace pour me réveiller que mon bol de café ou ma session internet du matin assis sur mon ballon de kiné !

Nutri-site : Respectes-tu des principes diététiques fondamentaux ?

Arnaud PETIT : Si je fais pizza, vin et tiramisu je ne suis plus bon à rien ! Je mange donc le plus naturel possible, donc c’est du bio en priorité, surtout pour les produits de base, fruits, légumes, céréales, sucres et farines.
Nous allons très rarement au supermarché sauf pour acheter du papier toilette (rires). 
Mais pour être franc, en ce moment je suis en période "craquage" à base de brioche et de réglisse, mais plus sérieusement Stéphanie mange très peu de viande, elle compense par du tofu ; mais quant à moi, je respecte une diététique basée sur l’apport de protéines comme de la viande, rouge ou blanche, ou du  poisson le midi cela au moins 4 fois par semaine et au dîner c’est place aux féculents avec des pâtes à la farine d’épeautre, du riz ou du quinoa. Toujours de la levure de bière à la maison. Nous ne sommes pas des adeptes du sucre et Il est rare que nous utilisions des produits énergétiques parfois quelques barres. En grande voie, nous marchons aux sandwichs et à la terrine de saumon et fromage que nous apportons sur certaines expéditions.

Nutri-site : Utilises-tu des compléments alimentaires ?

Arnaud PETIT : Je pense que c’est bien d’utiliser ce genre de produits, outre le fait qu’ils apportent une valeur ajoutée aux repas, ils rentrent dans l’état d’esprit qui te mène vers ton objectif sportif, c’est un maillon de la chaîne comme l’entraînement, le repos, la diététique...
J’ai testé il y a deux ans une cure de Greeen Magma qui est une poudre à base de jus d'herbe d’orge, mais je n’ai pas trouvé d’effets notables et en ce moment c’est une cure de spiruline une algue riche en protéines, vitamines et minéraux.

Nutri-site : Les grimpeurs sont-ils obsédés par leur poids ?
Arnaud PETIT : C’est clair que plus tu es léger plus tu es fort, mais si tu es trop maigre tu n’es plus efficace. Au Vénézuela où nous ne nous sommes pas bien nourris, j’ai perdu 2 kilos moi qui ne suis pas un gros gabarit, je n'avais plus de force et moins d’endurance.

Nutri-site : Fais-tu de la musculation ? Et utilises-tu l’électrostimulation également ?
Arnaud PETIT : Oui je fais de la musculation ; nous avons un banc chez nous que nous utilisons régulièrement ; même chose pour l’électrostimulation que nous avons boudée au début. Nous avons acheté un Compex dernier cri l'an dernier et l’utilisons souvent en récupération sur les avant-bras ainsi que le programme fartlek après deux jours de repos, la veille d'une séance, et c’est efficace il me semble.
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Nutri-site : Quelle-est la base de ton entraînement ?

Arnaud petit : L’endurance ! Avec l’âge il est préférable de s’entraîner très régulièrement et de façon moins intensive qu’à 20 ans. J’ai gagné en endurance mais perdu en souplesse et en force dans les doigts. Je n’ai pas baigné dans la génération assouplissements, je suis assez raide en somme et c’est ce qui me fait dire que le 9a ne m’est peut-être pas accessible car outre la force que cela demande, je me sens raide, des poignets par exemple (sachant que c’est dans la poussée sur ces derniers que l’on peut gagner en amplitude, je pense être limité sur ce plan-là). Si je m’entraîne trop intensément le risque de blessure est plus important aussi. Quand je grimpe régulièrement mon niveau se situe après travail à 8c+.

Nutri-site : Comment récupère-t-on d’une grande voie ?

Arnaud PETIT : On met en général une semaine et un mois pour une expédition. Ma semaine d’après grande voie est à peu de choses près basée sur le canevas suivant :
Lundi : repos
Mardi : vélo ou footing tranquille
Mercredi : grimpe tranquille
Jeudi : repos
Vendredi : séance de rappel de force pour relancer la machine

Arnaud PETIT : merci à nos partenaires Petzl, La Ville de Gap, La Sportiva et Lafuma !

Crédit photos (c)Bertrand Delapierre, (c)Thomas Vialletet, (c)Arnaud Petit

Le site d'Arnaud Petit et de Stéphanie Bodet
http://www.vagabondsdelaverticale.fr/
Le blog de Stéphanie : grimpe, voyage, littérature et petites recettes :
http://unevieagrimper.blogspot.com/

=>Retrouver les magnifiques livres retraçant leurs aventures, en cliquant sur la couverture   
 (à noter que les 2 livres qui sont extraits de FREE WALL seront re-édités en un seul ouvrage)
 
=>Lire l'interview de la grimpeuse Caroline Ciavaldini

FREE WALL* : Projet de tenter de gravir les plus hautes et les plus belles parois du monde en suivant une ligne de conduite basée sur les découvertes, les rencontres et l’escalade libre. Prendre le parti d’un alpinisme heureux, hédoniste, ludique, décliné au féminin-masculin, tel pourrait être le résumé de notre cheminement.

 

 

Vidéo de l'enchainement du Grand Capucin (massif du Mont Blanc) 


 
 

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